Par Yohann Charlotte

Pour une Europe plus proche des citoyen.ne.s
Le déficit démocratique est régulièrement avancé comme le principal mal de l’Europe telle que nous la connaissons. Pourtant, bien que trop peu abouti, le parlementarisme européen s’est démocratisé depuis sa création. Les membres de la commission (organe exécutif) sont désormais individuellement responsables devant le parlement (organe législatif), lui-même élu au suffrage universel direct. Les institutions doivent laisser plus de place au parlement, notamment en lui conférant une véritable initiative législative.
Si le parlementarisme s’est historiquement construit sur les compétences budgétaire et fiscale, ces domaines sont aujourd’hui hors de son champ de compétence. Cela est regrettable car faire pleinement participer le parlement aux décisions budgétaires et fiscales est la condition première pour donner de la hauteur à cette institution. Une Europe plus proche des citoyen.ne.s passera par un parlement respecté et compétent.
Ces réformes sont le prérequis à la nécessaire politisation d’institutions aujourd’hui trop techniques. Un parlementarisme paradoxalement trop parfait, car s’appuyant sur le consensus, nuit en réalité à la représentation réelle des diverses opinions. Sans pouvoir d’initiative, le parlement ne peut seulement amender, accepter ou s’opposer. La responsabilité individuelle des parlementaires quant aux politiques mises en œuvre est alors limitée car seul.e.s les chef.fe.s des gouvernements ont statutairement la compétence de les impulser. Il faut donc donner aux élections européennes le pouvoir de changer la politique européenne. La responsabilité devant les citoyen.ne.s doit, au même titre que pour les institutions nationales, s’exercer par les urnes. Donner du pouvoir aux député.e.s, c’est s’assurer que la reddition de compte des politiques européennes est réalisée.
L’éloignement physique et symbolique entre institutions européennes et citoyen.ne.s permet également aux lobbies d’agir avec une plus grande latitude. C’est, du moins, ce qui peut être ressenti par certain.e.s citoyen.ne.s. La suspicion et la méfiance naissent de ce que l’on maîtrise mal. Le développement d’un esprit européen passe donc par l’apprentissage de son fonctionnement et par la transparence de ses institutions. Une simplification des procédures serait alors bienvenue : en effet, selon les questions, le conseil (organe qui représente les gouvernements des États membres) délibère à la majorité simple qualifiée voire à l’unanimité pour trancher. Préférer délibérer à la majorité qualifiée plutôt qu’à la majorité absolue entraîne une rigidification du processus décisionnel qui, souvent, freine ou rend impossible la progression de certains dossiers. En outre, entre le parlement, la commission et les divers conseils, on peut raisonnablement dire que la multiplication des organes de décisions et des modalités de vote empêche les non-initié.e.s de comprendre les institutions européennes.
Pour une Europe qui se donne les moyens de transformer la vie des européen.ne.s
Pour redonner foi en l’Europe, il faut donner à l’union les moyens d’agir pour les européen.ne.s. Or, aujourd’hui, son budget est ridiculement faible (de l’ordre de 1% du PIB de l’Union). À ce titre, le plan proposé fin mai par l’Allemagne et la France va dans le bon sens : il serait pourvu de plus de 500 milliards d’euros via un emprunt européen. Reste à savoir quelle suite va être donnée au plan en question.
Les jeux politiques empêchent le budget européen d’atteindre une masse critique. En 2017, les contributions à l’Union des États membres, sur leur budget propre, ont représenté 56 % de ses recettes. Les pays contributeurs net, ceux qui donnent plus à l’Union qu’ils ne perçoivent d’elle, demandent rabais sur rabais. De ce fait, ils limitent l’expansion d’un budget européen qui grèverait d’autant plus leurs finances publiques nationales. Il faut donc rendre le budget européen indépendant des budgets nationaux en développant de nouvelles ressources, propres à l’Union. Des propositions ont déjà été faites par la commission comme la refondation de la part de TVA allouée à l’Union. Dès 2010, la commission s’est penchée sur une taxe sur les transactions financières européennes. Ne trouvant pas d’accord, certains États, dont la France, l’ont développée sur leurs territoires uniquement. Mais qu’est-ce que taxer les transactions financières au niveau national dans un pays financièrement intégré à une union économique et monétaire ? S’appuyant sur le rapport du groupe Monti de 2017, la commission a fait de nouvelles propositions, elles aussi rejetées. Il était notamment proposé de taxer les émissions carbone au niveau européen. Ce statu quo est dommageable, il est temps de trouver une voie pour donner à l’Union les moyens dont elle a besoin.
Encore faudrait-il que les secteurs de l’action européenne lui permettent d’agir concrètement. Aujourd’hui, le tiers du budget européen est alloué à la politique agricole commune : il faut l’orienter encore davantage vers une agriculture résiliente. Mais plus encore, il faut préparer l’Europe au monde qui vient en favorisant les secteurs clés que sont la santé, les énergies renouvelables ou le numérique.
Mais donner des moyens à l’Europe est vain sans harmonisation des politiques nationales. La course au « moins-disant » social et fiscal se révèle être un jeu à somme nulle, comme en ce qui concerne l’imposition des bénéfices par exemple. Les institutions européennes sont bien conscientes de ce problème : le projet ACCIS fut lancé pour penser l’harmonisation des bases fiscales de l’impôt sur les sociétés au niveau européen. La convergence des systèmes est indispensable à l’efficience de l’Union, à la condition qu’elle ne fixe pas pour objectif ceux qui proposent le moins.
La crise sanitaire et économique liée au Covid-19 est également une crise sociale. Il est donc temps de développer une Europe du social qui permette plus que la libre circulation des travailleur.euse.s. L’Europe a besoin de convergence sur les salaires, avec un salaire minimum européen, fonction du revenu moyen des pays, qui permettrait un rattrapage progressif plus rapide entre les différents États membres. Au-delà de l’échelle nationale, l’Europe a besoin de socialiser les risques, au premier rang desquels le risque de perdre son
emploi. En cela, le soutien européen aux mesures de chômage partiel des États membres est un bon début. Face aux chocs économiques asymétriques, c’est-à-dire ne frappant pas de la même manière tous les pays, l’Europe se doit de trouver de nouveaux leviers d’action. Face aux risques sociaux, l’Europe se doit d’intervenir.
Ce n’est qu’ainsi que l’on redonnera foi en l’Europe : respecter les volontés des citoyen.ne.s en donnant les moyens à l’Union de les concrétiser.
Par Yohann Charlotte en collaboration avec les Jeunes Génération.s de Seine-Saint-Denis et de Paris.