L’État-providence : réponse à la pandémie de coronavirus?

Mis à jour : 3 juin 2020

Par Adrien Sartre

Constat de Gaël Giraud


Dans une Tribune publié dans Libération, Gaël Giraud pointe les échecs de notre modèle économique libéral et individualiste. Selon lui il est nécessaire que l'État renoue avec sa mission première : la protection des citoyens.


Le ralentissement économique et le confinement inédit de près d'un tiers de la population mondiale démontrent les faiblesses du libéralisme mondialisé. L'économiste Gaël Giraud voit dans cette crise un retour nécessaire à l'État-providence.


La santé de chacun dépend de la santé de tous

La rapide propagation du virus sur les différents continents nous démontre "qu'aucun système de production économique ne peut survivre sans un puissant service public". L'épidémie se moque des privilèges particuliers, elle touche toutes les classes sociales. Il est désormais "impossible d’entretenir la fiction anthropologique de l’individualisme véhiculée par l’économie néolibérale et les politiques de démantèlement du service public qui l’ont accompagnée depuis quarante ans" : les dommages engendrés par le virus défient "radicalement l’imaginaire de la start-up nation façonnée par le volontarisme d’auto-entrepreneurs atomisés."


Ce que souligne l'épidémie c'est que "la santé de chacun dépend de la santé de tous. Nous sommes tous des êtres de relations interdépendants". Même les hôpitaux et services de santé privés sont réquisitionnés par les États, brisant le mythe des riches en capacité de s'extraire des catastrophes communes.


Cette crise sanitaire mondiale fait écho avec un dérèglement global dont les stigmates défient l'imagination humaine : le réchauffement climatique. En plus de rendre la plupart des zones côtières inhabitables, menacer les habitats naturels, notre capacité à nous alimenter et nos conditions de subsistance immédiates, Gaël Giraud rappelle que "le réchauffement climatique promet la multiplication des pandémies tropicales" d'après les récents rapports de la Banque mondiale et du Groupe d'experts Intergouvernemental sur l'Évolution du Climat.


L'État va voler au secours de l'économie libérale

Face à la pandémie du coronavirus, comme lors de chacune de nos crises contemporaines, l'État va voler au secours de l'économie libérale. Gaël Giraud rappelle le dénouement de la crise économique de 2008 : "Aujourd’hui encore, à Dublin, des jeunes insolvables survivent dans la rue après avoir été expropriés de leur appartement en 2010 par un système bancaire irlandais dont les dettes ont été entièrement reprises à son compte par l’Etat - c’est-à-dire par les contribuables irlandais eux-mêmes".

Comme lors de la crise de 2008, la crise économique actuelle ralenti l'économie et va entraîner "diverses crises de solvabilité". Les injections de capitaux des banques centrales vers les banques privées ne résoudront pas la crise à elles seules car le problème se situant dans l’économie réelle ne peut "être résolu par la seule politique monétaire. C’est ici que l’Etat entre en scène".


Lorsque l'on se questionne au sujet de l'État-providence, il est intéressant d'analyser le graphique qui a été présenté sur les chaînes de télévisions et les réseaux sociaux du monde entier. Sans distanciation sociale, gestes barrières, confinement, le premier pic d'épidémie du graphique dépasse rapidement le seuil critique des hôpitaux publics, c'est à dire leur capacité d'accueil. Un deuxième pic du graphique, plus étalé, présente quant à lui une situation dans laquelle la capacité d'accueil des hôpitaux n'est jamais dépassée.


Gaël Giraud rappelle ces deux scénarios correspondent à deux conceptions de l'État bien différentes et toutes les deux déterminées par leur rapport à la droite horizontale. Cette droite du graphique, représentant la capacité d'accueil du service public hospitalier, ne tombe pas du ciel. Elle est "le résultat des politiques de santé publique menées au cours des décennies qui ont précédé". Par exemple en France "nous disposons d’un lit de réanimation pour 13 600 personnes. En Italie, 1 pour 17 000. Outre-Rhin, 1 pour 8 300". S'il y a autant de victimes françaises du Covid-19 aujourd'hui c'est parce que trois décennies d'austérité budgétaire ont réduit la capacité à soigner de notre système hospitalier, "en particulier la loi HPST de Marisol Touraine, aggravée par la réduction d’un milliard d’euros des dépenses publiques pour l’hôpital en 2018".


L' État-providence, pilier d'une société durable

Obsédé par les intérêts privés, l'État néolibéral considère la droite horizontale comme une donnée naturelle, intangible. "Il n’a pas d’«argent magique» pour financer ses hôpitaux, accroître leur capacité d’accueil, sauver des vies". Les libéraux se cantonnent alors à n'agir que sur les deux pics possibles en utilisant diverses stratégies de confinement.


Gaël Giraud tranche : "L’Etat-providence" c'est à dire "un Etat qui se préoccupe de ses citoyens tout simplement" est un État qui, "non seulement tente de lisser la courbe des infections en confinant ses citoyens, mais qui agit sur la droite horizontale, investit dans son hôpital public, achète des machines d’assistance respiratoire et dégage les fonds publics pour aménager en urgence des services de soins intensifs «de campagne»". L'économiste prend l'exemple de l'Italie où l'État ne perds pas de temps et transforme des hôtels en hôpitaux compte tenu de l'urgence des circonstances. C'est là selon lui le signe d'un vrai retour à l'État-providence, "unique moyen de sauver "l'outil productif" mais, surtout, de sauver des vies".

Pour construire un modèle de société durable il nous faudra donc consolider notre premier pilier de résilience commune : des services publics organisés, efficaces, disposant des moyens nécessaires pour remplir leurs missions d'intérêt public.



Retrouvez la tribune de Gaël Giraud sur : http://www.liberation.fr

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